pardon ! Je vous le raconte en différé… ça m’a pris en route, de m’adresser à vous… c’était quelque chose que je ne parvenais plus à faire… ce par quoi il fallait que je passe pour venir jusqu’à vous, je n’y arrivais plus… je par-venais à écrire, dans le scintillement de ma vie marseillaise, je par- venais à noter, à trier, à penser ! à organiser… à profiler, même !!! mais pas à mettre en ligne… pour de nombreuses raisons, que je nous épargne… ce qui est sûr, c’est que j’ai laissé la vie écrire à travers moi, dans cet intervalle… parce que je crois qu’elle écrit, par chacun de nous, à travers chacun de nous, par la manière dont nous nous inscrivons dans le monde, lisons ce qui se passe autour de nous, nous laissons travailler par le grand texte du vivant, et poser notre geste suivant… en réponse ? en question ? à ce grand texte bruissant alentour…et dans quelle page enchanteresse me suis-je re-trouvée !!!
Là, je savais que je recevais une grâce infinie, en ayant les clés de cette chapelle pour quelque trois semaines, que ce coin de la terre me recevait dans sa confiance… (confidence passagère : c’était presque pour moi comme recevoir les clés de la maison Louis Guilloux – la première fois que j’ai posé les pieds dans les côtes d’Armor – une bienvenue très profonde, un adoubement fantomatique… vous avez, ça, en stock, vous, des adoubements fantomatiques à travers certains événements ? J’entends le reproche d’une copine d’enfance : « certains de tes textes ne sont pas assez universels » ; diable ! Je n’avais jamais eu la prétention de viser l’univers ; j’aurais peut-être dû, remarquez, avoir cette ambition-là, au lieu de me contenter d’être une riquiqui moi-même ; qui sait si j’en aurais les moyens ? Je suis peut-être une petite sœur de Charlie Chaplin qui s’ignore ? Ou bien toi, là, toi, tu as cette envergure et tu t’excuses de ta magnifique énergie ?). Pourtant, non, je crois que si c’était le cas, la vie se serait emparée de toi, de moi, comme elle l’a fait d’Isabelle Adjani, je crois que la vie fait tout ce qu’elle peut, à travers chacun de nous, même si, oui, il arrive à chacun de nous de jouer contre elle, délibérément ou pas… Soufflons ! Soufflons… nous ne sommes pas une erreur !
Bon. Là, je savais que je voulais con-sonner à ce moment de ma vie et de la vie du monde, dans ce lieu incroyable, dans ce creux perché de la terre, je voulais qu’Etty sonne et moi avec… je savais que j’écrirais depuis cette énergie-là, mais je ne savais pas que ça me donnerait le courage de recommencer à m’adresser au monde, dans une simplicité toute fraîche. Etty Hillesum, elle était occupée à penser, dans ces cahiers-là, à se penser au monde… est-ce que c’était sans arrière-pensée ? comment oserais-je affirmer ça ?
J’ai donc lu là, senti la terre, loin, très loin, sous les dalles de la chapelle, senti cette énergie tellurique monter à travers moi… mes pieds rivés là ! et je ne savais plus si c’était mes pieds, ou déjà si je faisais partie de ces dalles, si mes jambes prenaient racine sur ce dallage en croix, sous cette voute en croix… je me suis installée au croisement… mais je n’allais tout de même pas monter les marches de l’autel… sûrement pas me planter derrière ! ni devant… ni sur un côté… même s’il y a gros à soupçonner que ça a été conçu particulièrement pour que la voix s’envole de là et rejoigne au mieux toutes les travées… je me suis posée à gauche de l’autel, en contre-bas, en supposant que si je renonçais à l’autel, c’était cependant là que le son se perdrait le moins… mais les femmes qui se sont installées à ma gauche trouvaient que la réverbération les gênait… ceux qui étaient en face de moi ont dit ensuite que c’était confortable… ceux qui s’étaient assis dans l’autre aile aussi, semblaient pouvoir me recevoir sans difficulté… j’avais choisi de ne pas amplifier le son, de laisser la pierre et le bois faire le travail…
Et j’ai plongé dans cette entité textuelle… je ne vais pas vous rendre compte du texte… puissiez-vous vous précipiter pour l’acheter et vous laisser aller à le lire ! Peut-être vous livrerez-vous à une lecture suivie, voire exhaustive, d’une traite, dans la passion de découvrir le texte et sans halte. Mais je ne vous le recommande pas ! Non pas que je suggère que ça pourrait vous être nuisible ! Certes non !!! qui serais-je pour prescrire les modalités de lecture de ce texte ? Mais il a été conçu, je crois, comme une invitation progressive à la présence et c’est pour ça que j’ai imaginé de le délivrer chaque matin, peu à peu… comme il a été écrit, ou presque… pour laisser du temps au temps… pour qu’il ait le temps de résonner à travers la vie de chacun, pour que cette gymnastique spirituelle que faisait Etty Hillesum ouvre un champ de présence à soi, pour que chacun ait le temps de se demander, et moi ? et moi, « ma sincérité n’est peut-être pas encore assez impitoyable » p. 10 ? et moi, est-ce que « je voudrais « rouler mélodiquement des mains de Dieu » p. 14 ? et moi, est-ce que « la haine n’est pas dans ma nature » p 18 ? et moi, qu’est-ce que je pense de : « la vie ne se laisse pas enfermer dans un schéma préétabli » p. 19 ?