« Je devrais me retirer d’une petite communauté pour pouvoir m’adresser à une autre, plus vaste. » page 211
« En tout lieu de cette terre on est chez soi, lorsqu’on porte tout en soi. » page 212
« en déchiffrant les visages, en déchiffrant des milliers de gestes, de petites phrases, de récits, je me suis mis lire le message de notre époque – et un message qui en même temps la dépasse » page 214
« À ce bureau, au milieu de mes écrivains, de mes poètes et de mes fleurs, j’ai tant aimé la vie. Et là-bas, au milieu de baraques peuplées de gens traqués et persécutés, j’ai trouvé la confirmation de mon amour de cette vie. » page 214
« J’observe les êtres comme on passe en revue des plantations et je constate jusqu’où lève en eux l’herbe de l’humanité. » page 215
« Dans un moment difficile comme j’en ai connu ce soir, il m’arrive de me demander ce que tu veux faire de moi, mon Dieu. Mais peut-être cela dépendra-t-il justement de ce que je veux faire de toi ? » page 221
« Après la guerre, je veux parcourir les différents pays de ton monde, mon Dieu, je sens en moi ce besoin de franchir toutes les frontières et de découvrir le fond commun à toutes les créatures » page 221
« envoie-moi de temps en temps une petite ligne de poésie » page 222
Alors nous y voilà !
Pendant tout mon séjour à Marseille, je n’ai rien mis en ligne… pour bien des raisons. Mais notamment, parce que je souhaitais un temps de sevrage… laisser du temps passer… et du silence ouvrir l’espace… ne pas m’exposer.
Et puis j’ai commencé cette lecture. Et il m’est revenu cette adresse au monde…
Ces jours derniers, j’ai donc reçu un message, un message de quelqu’un dont je ne voudrais plus recevoir rien… rien ? Rien !!!
Je n’écrirai pas ici son nom. Parce que je ne veux pas offenser sa femme, ni ses enfants, que je souhaite respecter. Mais pour que la police puisse identifier de qui il s’agit (bien sûr, je l’ai dit à mes proches), j’écris simplement ici que j’ai été mariée avec cet homme, dont j’ai divorcé il y a quelque 38 ans maintenant.
Tous les matins, je lis dans une chapelle. C’est un lieu sacré. Un lieu sacré entre tous, puisqu’il abrite les noms de tant de marins morts en mer et dont le nom gravé là est l’unique sépulture.
Je lis le journal d’Etty Hillesum. C’est un journal sacré. Etty non plus n’a pas de sépulture.
Mes ancêtres non plus, pour beaucoup. Soit qu’ils furent trop pauvres pour en avoir une et qu’ils aient fini à la fosse commune. Soit qu’ils aient été enterrés avec tous les cadavres de Lorient en 1943, aussi dans des fosses communes.
Je lis ce journal d’Etty Hillesum, comme un chant funèbre, et parce que ce chant funèbre dit la joie qu’ils aient vécu, et la joie qu’ils vivent à travers moi. Et comme des êtres peuvent choisir, depuis l’enfer sur terre, le chemin de la joie de vivre et de l’amour.
Etty est un guide spirituel, pour moi. Et bien des gens qui viennent chaque matin l’entendent aussi ainsi, cette voix qui vient dans la mienne.
Et cet homme qui n’a pu s’empêcher de m’envoyer un message sur mon blog commence ainsi sans vergogne : « Excellente idée ces lectures pour ceux qui comme moi ont la flemme de bouger les yeux et tourner les pages des livres ! » La flemme ? Mon dieu, pardonnez-lui d’en être là, qu’il soit tellement important pour lui d’imaginer de me blesser qu’il lui faille me dire que personne n’a besoin de moi pour lire. Comme s’il ne s’agissait pas plutôt de mettre tous les matins nos intelligences ensemble pour accueillir ce texte et le laisser nous ouvrir l’âme. Oser parler de flemme, quand il s’agit de ce journal, c’est tellement indécent, mon dieu ! Je suis désolé qu’il ne puisse retirer ce qu’il lui est venu de m’écrire. C’est comme un pet astral qui lui aurait échappé. Utiliser le langage pour ça, je crois que c’est de l’ordre de laisser échapper un gaz… après ? Il n’y a qu’à s’excuser. Mais dans la bonne société, je crois me souvenir qu’on ne s’excuse pas des pauvres manifestations du corps. Personne ne les évoque. Et c’est une manière de pardonner ce qui n’a pu être empêché. Mais moi je ne viens pas de là ! Je viens du bas peuple où l’on peut rire ensemble d’avoir pété. Et je suis l’épouse d’un homme qui souligne que ça fait mal au ventre, dans certaines circonstances, de s’empêcher de péter. Alors donc il y a eu un pet ! Et qu’il soit pardonné.
« Comme je ne suis pas éloigné de Tréveneuc en ce moment, je viendrai t’écouter et te saluer à la Chapelle. Dis-moi les matinées qu’il ne faut pas rater s’il te plait. » Ça, c’est pour que j’aie peur ! Alors je fais cet aveu : oui, ça m’inquiète. Mon dieu comme c’est piètre… Etty avait tout le troisième Reich à ses trousses et elle n’avait pas peur… ou rarement… et moi ? Et bien, moi, moi, je l’avoue, je suis navrée. Mais bien sûr je ne vais pas m’arrêter à ça. Je vais continuer à ouvrir cette chapelle et je vais continuer à lire, avec tous ceux qui voudront mettre leur intelligence au service de cet exercice spirituel partagé. Sans celui qui parle de rater une matinée ! Chaque lettre d’Etty Hillesum est un geste sacré. On n’est pas au spectacle ici. Je sais que cet homme se croit drôle. Et qu’il affirmerait que ce signe de lui est inoffensif, que c’est de l’humour, et que bien sûr, de l’humour, moi, j’en manque ! Je manque de tout, de toutes façons, d’humour, d’équilibre… et j’ai bien tord de trembler ainsi, n’est-ce pas le révélateur de ma fragilité psychique ? Ainsi font les pervers narcissiques ! Mon dieu, fais que cet être cesse de se vautrer dans son ennui et trouve quelque chose de beau et de bon à faire pour ceux qui sont autour de lui et pour lui-même. Fais qu’il me laisse tranquille et cesse d’essayer de détourner mon énergie de ce que moi, j’ai à faire.
Je remercie tous ceux qui ont partagé et qui partageront cette merveilleuse lecture avec moi, tous ceux qui chaque matin entrent dans ce temple sacré et contactent dans ce temps partagé une merveilleuse énergie de vie et d’amour. Fais que je reste dans l’axe de ma lecture, mon Dieu et que rien ne vienne troubler stupidement, vainement, méchamment, mon aspiration spirituelle.
Que la paix nous trouve !