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Lettre à Lola Lafon : hospitalité, penser et le poids des cacahuètes

Maryk Le Hène

à Lola Lafon

via Bénédicte, Librairie Eurêka Street, 19, place de la République 14000 Caen

Depuis une rive de Bretagne, le 13 novembre 2017

Lola Lafon, ça sonne, ma chère !

Ça sera facile, d’en laisser résonner l’écho.

C’est Bénédicte, qui a mis Nous sommes les oiseaux… entre mes mains – unique Bénédicte ! (j’habite un rivage de Bretagne, mais je passe par Eurêka pour déchaîner mes cellules lectrices, parce que ! quand on a trouvé une convive, il ne faut pas hésiter à assumer la dépendance joyeuse).

Je parle de cette joie d’exister qui n’exclut… rien, qui intègre les mouvements émotionnels et relationnels, une sorte de joie organique, qui fait qu’on est de la lignée de l’oiseau qui se laisse aller à décoller, qui frémit en vol et qui – oui, qui ? – sait comment il vole aussi de respirer ? l’oiseau qui chante avec les bourrasques, et le ressac, et danse avec la tempête, parce que ça piaffe de vivre au tout petit dedans de lui, concentré de présence contagieuse, comme vous, chère Lola Lafon, qui vous déposez si bien dans vos pages, que le lecteur – même s’il reste assis, voire couché (nous avons lu intégralement votre livre à voix haute, ici, dans la maison au bord de l’eau), le lecteur, à déambulateur ou fauteuil roulant – pour un peu, se lèverait et se prendrait à danser.

Ça pense, là dedans ! Ça pense au vif et alors bien sûr, ça vous verticalise le lecteur, ça soulève ce qui serait atterré, ça dresse ce qui pourrait s’affaisser, et ça vous dit : « tu viens ? Si ça danse, danse ! Danse dense. » Et alors les mots se souviennent qu’ils émanent du mouvement, que l’émotion aussi, que penser est une fonction de ce jeu avec la gravité, ce jeu de prendre appui pour décoller, ce jeu d’oser perdre l’équilibre, parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de rester vivant… et alors si tu penses, tu danses ; et si tu danses aussi, tu as appris, comme tu as aussi appris à marcher et à parler ; est-ce qu’on attrape encore des tendinites, si on apprend à filmer ? Vivent les images qui bougent et il y a toujours un refuge quelque part pour quelqu’un, même une cinémathèque, allez ! mais comment apprendre, comment recevoir sans se scléroser, sans que le geste devienne seulement prévisible, contingenté, commandité ? Vos pages, Lola Lafon, nous offrent un soulèvement, merci.

Merci pour cette affolante invitation au vivant. Merci pour la façon dont les gens sont en contact les uns avec les autres au fil de ces pages. Merci aussi pour tous ceux que vos pages nous incitent à accueillir, comme nous-même déjà. Merci pour cette hospitalité dans vos pages : voilà une écriture/lecture du monde qui est une auberge espagnole pour nos âmes, un refuge où palpiter et se revigorer, et se laisser aller à ce qui n’a pas encore été vécu, se laisser inventer par le vivant, fomenté par l’inconnu, comme en vous se réinvente notre langue, Lola Lafon, ce n’est pas votre pensée qui nous contaminerait, c’est votre faculté de penser qui nous rend à la nôtre, merci.

3 commentaires pour “Lettre à Lola Lafon : hospitalité, penser et le poids des cacahuètes

  1. Je m’autorise un commentaire. « façon Maryk »:j’ai adoré l’oiseau et son « tout petit dedans de lui »
    Sa fragilité m’a donné envie de pleurer…

    1. À la fin de sa vie, ma grand-mère – dont le studio accueillait les confidences des sept étages de la résidence, où elle s’était réfugiée vers 70 ans et auxquelles elle répondait avec des tasses de mauvais café et des renversements de point de vue hilarants – semblait seulement fascinée par les oiseaux de toutes plumes… je porte quelquefois une bague trouvée sur une plage du débarquement (en argent avec un oiseau)… c’est mon alliance avec ce qui veut chanter au-delà des cages… je te remercie d’avoir précisément réagi à ça… et je me réjouis que ça ait pu te rendre à un besoin transitoire essentiel, ma chère !

  2. Je viens de terminer Mercy Mary Patty…
    Je suis debout !
    Certains ont besoin de musiques casse-oreilles, de psychotropes, ou autres drogues pour vivre des émotions fortes, moi, j’ai si bon* d’apprendre à « penser sous tous les angles » (comme Lola dit), à jubiler de la « joie d’exister », comme dit Maryk (que je remercie, une nouvelle fois, de m’avoir alerté d’une lecture aussi féconde)
    Contagion, oui, embrassades, intense envie de vivre, et d’aimer juste et débarrassée des conditionnements. Et de m’envoler vers la lecture de ses autres opus et faire une grande place aux livres de Lola Lafon dans ma bibliothèque.
    – – – – –
    *il me semble que ce vocable belge traduit bien l’organique, ce qui me frissonne de part en part, me réveille si c’était nécessaire

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