Le sens de la Gambille

Alors c’est quoi, le premier article depuis mes soixante ans ?

Cette lettre ouverte à la Gambille.

Bonjour !

Je suis adhérente à la Gambille. C’est pas mon genre, d’adhérer : mon père était communiste, ouvrier de l’Aérospatiale ; je suis du genre qui décolle, petite pierre de lune… Mais. Vous connaissez ce petit livre de Lacan : Je parle aux murs ? Ben, oui, il avait « l’instinct de l’instant » (c’est sa conférence devant le personnel et les si patients de l’hôpital Sainte-Anne à Paris) ; c’est là-dedans qu’il écrit le célèbre « il n’y a pas de rapport sexuel sauf à l’écrire », ah, ah ! Là-dedans aussi qu’il affirme : « en fait il s’agit pour nous de penser ». Y a tout, là-dedans, oui ? Alors comme je pense un tas de trucs, je suis adhérente à la Gambille.

Et voisine, aussi. C’était un plaisir de voisiner avec les travailleurs de la Gambille, jusque récemment. Je ne comprends pas pourquoi, mais je ne connais presque plus personne. Pourtant je viens presque tous les deux jours. Je ne dis pas que ceux que je croise à présent seraient moins charmants que les autres. Disons qu’il faut peut-être du temps pour arriver quelque part, surtout quand on est jeune et là, je ne les sens pas encore là. Vous savez que l’interaction humaine est le fond du commerce ? Le lit du développement durable. Quoi ? Rien de moins durable que l’humain ? Oh que si ! Fécondation et civilisation.

Là, aucune confidence ne filtre, mais quelque chose se désincarne… Ça vire au supermarché lambda, non ? Je flaire l’absence de concertation, le gâchis d’intelligence disponible. J’accuse à blanc ? Ma confiance se carapate. Je peux écrire ce que je pense, mais j’ignore à quel point (d’interrogation, évidemment) je risque de nuire, si je vous montre ça. Et quand une vieille moutarde de mon espèce commence à ressentir ça, c’est le début de la fin, non ?

Je venais de plus en plus souvent aussi, parce que je trouvais (depuis l’agrandissement de la Gambille de Langueux) le rayon-boucherie de plus en plus pertinent. Bon. Pas le lundi. Bizarre, mais… Du coup j’évitais le lundi. Maintenant, pas au début de l’après-midi. Ah, non ? Dommage, ça désengorgeait la tombée du jour. Pas le jeudi. Ah, zut ! J’adore m’écarter de la foule des fins de semaine. Vous avez concerté qui, pour imposer ces belles décisions ? Pas nous, ou quelque chose m’a échappé ?Attendez, je devine : votre comptable est végétarien ?

Je me sens sur une voie de consommation, mon adhérente intérieure se sent évacuée, ça sent le vide, la perte de sens, une odeur qui m’attriste. Voulez-vous que nous réfléchissions ensemble à tout ça ?

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